Le numérique et l’électronique sont-ils les créateurs, les catalyseurs ou les régulateurs de la guerre froide 2.0 ?
JeDII – La géopolitique des semi-conducteurs
Le numérique et l’électronique sont-ils les créateurs, les catalyseurs ou les régulateurs de la guerre froide 2.0 ?
Jeudi 22 juin 2023 – 18h30 - Conférence
Conférence animée par Lénaic MALLET ingénieur en électronique, manager en financement et stratégie d’innovation à ABGI
Jeudi 22 juin, IRIIG organise une nouvelle conférence JeDII animée par Lénaic MALLET ingénieur en électronique, manager en financement et stratégie d’innovation à ABGI avec pour thème La géopolitique des semi-conducteurs.
Depuis les dernières décennies, les semiconducteurs ont joué un rôle essentiel dans l'évolution du monde numérique et électronique. Ces minuscules composants ont permis de transformer les industries, de propulser l'innovation technologique et les relations entre êtres-humains, mais ils ont également redéfini les relations économiques et géopolitiques entre les nations. Récemment, la montée des tensions entre la Chine, les États-Unis et l'Union européenne a mis en évidence l'importance stratégique des semiconducteurs dans « guerre froide 2.0 », pour le moment théorique. Cette conférence examine les développements récents depuis 2018 et analyse si le numérique et l'électronique sont les créateurs, les catalyseurs ou les régulateurs de cette nouvelle ère de confrontation géopolitique.
Les semiconducteurs comme créateurs de tensions géopolitiques
Au cours des dernières années, les semiconducteurs sont devenus un enjeu majeur dans les relations économiques et politiques entre la Chine, les États-Unis et l'Union européenne. La Chine, en particulier, a intensifié ses efforts pour devenir un leader mondial dans le domaine des technologies, notamment les semiconducteurs. Le plan « Made in China 2025 », lancé en 2015, vise à transformer la Chine en une économie axée sur l'innovation et la haute technologie. Cela a créé des tensions avec les États-Unis, qui considèrent ces ambitions chinoises comme une menace pour leur domination technologique et leur sécurité nationale. Les États-Unis ont imposé des restrictions commerciales à certaines entreprises chinoises, telles que Huawei, et ont intensifié leurs efforts pour protéger leurs industries de semiconducteurs sensibles.
De même, l'Union européenne a également pris des mesures pour préserver sa souveraineté technologique et sécuriser ses approvisionnements en semiconducteurs. En 2019, la Commission européenne a publié une stratégie visant à renforcer les capacités de production de semiconducteurs en Europe et à protéger ses intérêts stratégiques dans le secteur. Cette initiative reflète la préoccupation croissante des États membres de l'Union européenne quant à leur dépendance à l'égard des fournisseurs étrangers de semiconducteurs et à la nécessité de garantir une base industrielle solide dans ce domaine clé.
Les semiconducteurs comme catalyseurs de la confrontation entre grandes puissances
Les semiconducteurs ont agi comme un catalyseur des tensions géopolitiques entre les grandes puissances, en particulier entre les États-Unis et la Chine. La rivalité entre ces deux pays s'est intensifiée dans le domaine des technologies, et les semiconducteurs sont devenus un champ de bataille crucial. Les États-Unis ont accusé la Chine de pratiques commerciales déloyales, de vol de propriété intellectuelle et d'espionnage économique, alimentant ainsi la méfiance mutuelle entre les deux pays. Ces préoccupations ont conduit à des mesures restrictives de la part des États-Unis, notamment des interdictions d'exportation de technologies sensibles et des pressions sur leurs alliés pour limiter leur coopération avec des entreprises chinoises dans le domaine des semiconducteurs.
La Chine, de son côté, a répondu en accélérant ses propres efforts pour devenir autonome dans la production de semiconducteurs et en promouvant la technologie nationale. Elle a investi massivement dans la recherche et le développement, ainsi que dans l'acquisition de technologies étrangères par le biais de partenariats et d'acquisitions d'entreprises étrangères. Ces initiatives ont exacerbé les tensions avec les États-Unis et renforcé l'idée d'une guerre froide 2.0 centrée sur le contrôle des technologies clés, dont les semiconducteurs font partie intégrante.
Les semiconducteurs comme régulateurs dans la guerre froide 2.0 ?
Alors que les semiconducteurs peuvent être perçus comme des créateurs et des catalyseurs de tensions géopolitiques, ils pourraient également jouer un rôle de régulateurs dans la guerre froide 2.0 en cours. La complexité et l'interconnexion des chaînes d'approvisionnement mondiales rendent difficile pour une seule nation de dominer complètement le marché des semiconducteurs. Les entreprises de fabrication de semiconducteurs dépendent d'une multitude de fournisseurs de matières premières et de technologies, répartis dans le monde entier. Cette interdépendance crée des incitations pour les pays à coopérer et à maintenir une certaine stabilité dans les relations économiques et commerciales.
Dans ce contexte, les semiconducteurs peuvent agir comme des régulateurs en obligeant les grandes puissances à trouver des compromis et à rechercher des solutions négociées. Les intérêts économiques et technologiques mutuels peuvent inciter les pays à s'engager dans des dialogues constructifs plutôt que de s'engager dans une confrontation ouverte.
L’heure n’est pourtant pas à la détente et bien que l’intrication des partenaires technologiques et économiques soit encore forte, l’absence de volonté pacificatrice sur le plan politique pourrait entrainer un fort ralentissement global des technologies de pointe en micro et nanoélectronique.
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