Les Jeudis de l'Innovation IRIIG (JeDII) : Expériences Immersives : Voyage multisensoriel ou pétard mouillé ?
Le JeDII du jeudi 15 décembre traitait du sujet des expériences immersives. Un grand merci à Basile BOHARD Président et Créateur d'expériences immersives chez Neo Digital pour cette intervention !
Comment se construit notre perception du monde ?
Créer une expérience immersive consiste à réussir à maîtriser les informations qui sont envoyées à notre cerveau. La représentation du monde est totalement individuelle et subjective puisqu'elle est faite par notre cerveau à travers de nombreuses informations qui constituent notre environnement.
Mais comment se fait cette collecte d'informations ?
Grâce à nos sens, qui sont au nombre non pas de 5 comme le décrit Aristote, mais de 30. En effet, grâce aux avancées technologiques et scientifiques, on a découvert qu’il y en avait plus de 30 sens tels que la douleur, le sens de l’orientation, la représentation spatiale de notre corps, entre autres...
Ces récepteurs sensoriels vont nous aider à capter les informations venant de notre entourage.
La représentation du monde se fait suivant plusieurs étapes :
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Générer des sensations : les informations en provenance du monde sont captées par nos sens.
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Générer des émotions : ces sensations sont ensuite transmises à notre mémoire sensorielle où elles seront traitées, triées et classées par notre cerveau. Ceci va générer des émotions furtives et d’intensité variable, qui seront modifiées selon notre personnalité, c’est-à-dire, nos plaisirs, notre culture, nos biais cognitifs, nos apprentissages, etc. On arrive ainsi à créer une expérience unique et propre à chacun, qui sera ensuite comparée inconsciemment avec nos expériences passées.
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Générer des sentiments : c’est ensuite que notre propre représentation du monde se construit en donnant naissance aux sentiments qui donneront suite à des pensées. Cette expérience immersive va enfin construire et enrichir nos comportements, nos savoirs, nos valeurs, notre caractère...bref, notre personnalité.
Afin de connaître notre perception du monde, les créateurs utilisent 3 outils différents : la création d'une expérience, une fiction (histoire) et l'utilisation de l’immersion.
LA CREATION D'UNE EXPERIENCE.
La connaissance humaine se fonde sur 2 modes de fonctionnement :
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La connaissance intellectuelle : les sens ne participent pas directement.
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L’activité sensorielle : expérimenter au gré de nos envies et nos désirs avec le monde qui nous entoure.
LA FICTION.
Raconter des histoires c’est jeter un pont entre ce qui est établi et ce qui est possible, et elles ne sont possibles que si on est ouverts à y croire. La suspension consentie d’incrédulité est l’enjeu ultime de chaque personne qui cherche à raconter une histoire. Le but est de plonger l’auditeur dans un état qui lui permet d’être « crédule » lorsque l’univers dans lequel il est immergé est suffisamment cohérent, vraisemblable et logique.
Un exemple de la mise en évidence du phénomène de suspension consentie d’incrédulité est le film Big Fish (2003), de Tim Burton. C'est l’histoire d’un père qui raconte sa vie à son fils de manière très fantaisiste. Son fils refuse d’y croire et décide de trouver des preuves pour se convaincre lui-même que les récits de son père sont faux. Au fur et à mesure de l'avancée du film, le fils se pose la question de s’immerger ou pas dans le monde fantastique de son père afin d’y croire à ses histoires et les vivre avec la même intensité qu’avec laquelle son père les racontait.
Ce phénomène s’appuie sur des éléments de réalité et nécessite d’un grand travail de recherche pour donner une meilleure perspective de l’environnement qui est en train d’être créé.
Les représentations communes sur un imaginaire commun peuvent varier en fonction de :
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L’époque : La suspension de notre incrédulité ne sera pas aussi simple que lorsqu’on regarde le Godzilla de 1954 et celui paru en 2021.
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La culture et des peuples : le château de La belle au bois dormant n’a pas la même structure dans les différentes villes où il y a un Disney.
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L’âge : Le Batman n’est pas pareil pour un enfant (Lego), un adolescent (dessin animé) ou un adulte (réaliste).
La suspension consentie d’incrédulité nécessite un vrai pacte entre le créateur et le participant, afin que ce dernier accepte de s'immerger dans un monde fictif.
L’IMMERSION.
L'immersion permet de donner plus de puissance et d’intensité à l’expérience fictionnelle. Selon Basile, les ingrédients pour réussir une bonne immersion sont :
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L’architecture narrative : au lieu de suivre la structure classique avec un début, un déroulement et une fin, l’expérience immersive cherche à créer un cadre narratif dans lequel plein de possibilités narratives vont être actionnées grâce à l’interaction eue dans l’expérience immersive. Par exemple, dans les jeux vidéo du type Open World tels que Assassin’s Creed, c’est le sentiment de liberté qu’on peut avoir dans la vraie vie qu’on va essayer de reproduire dans l’expérience immersive. Ainsi, l’utilisateur est au centre de l’expérience immersive puisque l’environnement avec lequel il va interagir, va évoluer autour de lui.
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Le décor de l’histoire réer les sensations de la réalité : il faut permettre au participant d’avoir l’impression que le monde imaginaire qui vient d’être créé est convaincant du point de vue de ses perceptions
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Le partage collectif dans la réalité : l’idée est de partager son vécu, ses émotions, pour inviter les participants à se reconnecter en public.
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: il faut créer des mondes cohérents, sculpter des espaces qui dépassent le réel. L’intérêt d’un monde imaginaire est de pouvoir s’affranchir des aprioris culturels et sociaux d'aujourd’hui.
Le créateur a pour objectif de doser ces ingrédients en fonction de son propos et des sensations qu’il cherche à créer afin de proposer une expérience pertinente.
Quels sont les outils pour rendre possible l’expérience immersive ?
Les différents outils mis à disposition pour la création d'une expérience immersive sont :
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La scénographie, qui vient alimenter la création des mondes imaginaires (les lumières, le son, le décor, les costumes, etc).
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Les technologies, qui facilitent l’expérience immersive mais qui ne constituent pas une condition nécessaire et suffisante pour en créer une (le son spatialisé, la réalité virtuelle, les hologrammes, la réalité augmentée, les capteurs, etc.)
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Les contenus, tels que la 3D, les jeux, le live action.
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Le jeu d’acteur, en mettant en jeu des comédiens et des figurants.
L’immersion est un domaine très transversal qui impacte de nombreux secteurs d’activité tels que :
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L’art : les avancées technologiques permettent d’immerger les publics comme jamais on n’a pu le faire auparavant.
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La culture : notamment les musées, avec l’enjeu d’engager le visiteur au-delà du modèle traditionnel d’exposition.
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Le divertissement : notamment les parcs à thèmes qui ont pour enjeu de continuer à émerveiller les publics.
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L’espace public : la vie en ville peut être également rythmée avec des expériences immersives sur des places et des carrefours, qui permettent de donner vie à ces endroits.
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La restauration : l’enjeu est de se différencier de la concurrence en matière d’offre, au-delà de l’expérience gastronomique.
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L’hôtellerie : similaire à la restauration, avec l’enjeu de transformer les espaces en des environnements extraordinaires.
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Le commerce et le marketing : avec l’enjeu de redonner du sens à l’expérience dans les magasins et faire d’une expérience d’achat, un souvenir mémorable.
En conclusion, peu importe le domaine dans lequel l'immersion est employée, l’importance c’est le propos, c'est-à-dire, le message qu’on a envie de transmettre et surtout, de la manière la plus sincère possible afin de toucher et de marquer le public.