Les Jeudis de l’Innovation IRIIG (JeDII) : Structurer un projet innovant, le modèle de la pyramide de l’innovation.
Forte de sa pédagogie innovante, IRIIG se donne pour devoir d’inspirer au quotidien ses étudiants. Cela passe par l’organisation de ses Jeudis de l’Innovation IRIIG (JeDII) deux fois par mois au H7 (et en visioconférence), plus grand lieu d’accélération de start-up à Lyon et lieu totem de la French Tech. Ces événements sont publics et ouverts à l’écosystème de l’innovation et de l’entrepreneuriat de la Région. Nos invités phares sont des conférenciers et professionnels de talent qui ont une vision inspirante et/ou originale.
Jeudi 27 mai, Sébastien Deschaux, Directeur Innovation et Déploiement Projets chez Dynergie, nous a fait l’honneur de nous présenter sa méthodologie pour structurer et dérisquer un projet d’innovation.
Dynergie, c’est plus de 80 experts qui travaillent pour plus de 200 clients par an, 25% de croissance annuelle moyenne sur les 15 dernières années, et 3 agences en France (Lyon, Paris, Marseille). Créée en 2006, l’entreprise lyonnaise accompagne les start-ups à fort potentiel, les PME, ETI ainsi que les grandes entreprises dans leurs projets d’innovation, de la détection d’opportunités au déploiement sur le marché. À la fois conseillers et makers, les objectifs de cette équipe sont de structurer, mettre en œuvre et faire des innovations de vrais leviers de croissance. Les expertises de Dynergie sont multiples : UX & UI design, Design de produits et services, business design, transformation digitale, ingénierie financière, etc…
Entre 50 et 100 projets bénéficient des compétences en sciences de l’innovation de Sébastien et des collaborateurs de Dynergie, tout comme leurs recherches bénéficient de l’analyse de ces 50 à 100 projets annuels.
Pour comprendre l’innovation dans sa globalité, il est nécessaire de l’appréhender comme « l’histoire des premières fois » : une nouvelle technologie, une nouvelle méthode, un nouveau besoin, ou tout autre nouveauté qui implique une rupture, ou au moins un changement.
Tout comme Socrate décrivait la sagesse comme la capacité à considérer que ce que l’on sait, c’est que l’on ne sait rien, Sébastien propose d’aborder l’innovation d’un œil extérieur, et d’admettre l’idée que l’on ne sait pas. Cette logique vient de la nature même de l’innovation : si celle-ci est une rupture du présent avec le futur, nous ne savons rien de l’avenir, nous ne pouvons donc rien prédire pour un projet innovant.
Selon Sébastien, l’innovation est un terme complexe à définir, mais aussi à appréhender, si bien qu’il n’existe pour lui qu’une définition simple et efficace pour le définir : l’innovation correspond à tout changement nouvellement disponible conférant un avantage évolutif à ses utilisateurs. Cette explication pose les bases de la philosophie de Dynergie, challenger des projets d’innovation pour les tourner vers l’expérience utilisateur, pour s’assurer de la pérennité des projets et de répondre à une réelle demande.
Si l’innovation n’a pas d’utilité, ou n’est pas utilisée, alors cela n’est plus qu’une nouveauté ! Il est donc primordial aujourd’hui de s’attarder sur l’usage. Un des meilleurs exemples d’une idée excellente, mais mal amenée, c’est celui de Denis Papin, inventeur et scientifique français. L’un de ses principaux accomplissements était l’invention de l’autocuiseur et du moteur à vapeur, plusieurs années avant que leur utilisation ne vienne transformer la société. Seulement, ses inventions n’étant pas utiles au plus grand nombre et en proie aux doutes de ses congénères, ses découvertes ne l’ont pas rendu célèbre, si bien qu’il est mort dans l’indifférence générale, sans le sou.
S’il faut se rappeler une chose importante lorsqu’on entreprend, c’est que le seul juge de paix n’est autre que le marché. Ce sera l’unique acteur qui décidera du futur d’une start-up ou d’un projet. On décompte qu’environ 42% des start-ups qui échouent (soit 90% des start-ups créées) avaient pour problématique majeure le manque de besoin marché.
Dans un second temps, Sébastien conseille à tout entrepreneur d’essayer de tuer son projet avant même qu’il ne soit lancé. Mourir vite coûte beaucoup moins cher en temps, en énergie et même financièrement que maintenir en assistance respiratoire un projet voué à l’échec. Par exemple, l’entreprise JAWBONE ne fonctionnait pas et a coûté plus de 900 millions € d’investissements avant d’être définitivement liquidée. L’objectif pour un dirigeant, c’est de constamment être dans la recherche du prochain obstacle qui fera couler le projet, pour anticiper au maximum et le plus efficacement possible les problèmes potentiels. Sa philosophie propose une stratégie du test permanent : tout essayer, tout tenter, tout mesurer, et ce constamment, pour tenter d’avoir une vision élargie de tout ce qui pourrait arriver. On ne peut pas connaître l’avenir, mais il vaut mieux avoir 300 futurs possibles, tous étudiés, plutôt qu’un brouillard en face de nous.
Les équipes de Dynergie évoquent 4 règles pour la bonne conduite d’un projet innovant :
Règle 1 : Pas de problème, pas de projet
Comme expliqué précédemment, l’innovation doit répondre à une demande issue d’un besoin, lui-même issu d’un point de douleur. Il est plus qu’utile de déterminer le point de douleur en question avant de créer un produit ou un service qui pourrait y remédier, sous peine d’avoir un produit superbe mais dont personne ne veut.
Un excellent exemple de ce phénomène est celui de la société IPC, anciennement entreprise de négoce dans le secteur des produits ménagers pour entreprises et collectivités. À la suite du relevé d’un point de douleur par les équipes de Dynergie, l’entreprise est devenue conceptrice de produits, dont l’un est numéro 1 des ventes. La société représente aujourd’hui 2,5 millions € de chiffre d’affaires annuel. Ce « pain point » ? Une impossibilité de savoir, pour un produit détergent transparent mettant une trentaine de secondes à désinfecter une surface, si toute la surface avait été parfaitement nettoyée et décontaminée. La solution trouvée par Dynergie : un simple colorant sensible aux bactéries, qui perd sa couleur lorsque la surface est 100% désinfectée !
Règle 2 : Les détails tuent les start-ups
Souvent, lorsque le point de douleur est déterminé, que l’idée est trouvée et que celle-ci est prototypée, on s’aperçoit des réels problèmes d’un concept. En effet, une solution à un problème n’est valable que si elle est prête à être adoptée par ceux qui en auraient besoin.
Prenons l’exemple de BlaBlaCar : une solution efficace de covoiturage, qui réduit les frais de transport, la solitude au volant, la pollution occasionnée par un trajet, mais aussi le manque d’options de transport. Seulement, la question qui doit être posée est : « oseriez-vous monter dans la voiture d’un inconnu rencontré sur Internet ? » ! BlaBlaCar s’est très vite rendu compte du frein psychologique que sa proposition de service induisait, et a dû faire un énorme travail de réassurance vis-à-vis de sa cible.
Il est donc primordial de vérifier ses hypothèses fondamentales avant de proposer un concept au marché visé :
- Hypothèses culturelles (À quel point les gens sont prêts à changer leurs habitudes pour utiliser votre produit ?)
- Hypothèses pratiques (En théorie, c’est bien, mais en pratique ?)
- Hypothèses juridiques (Est-ce que j’ai le droit ?)
Règle 3 : Pas besoin de produit pour vendre
Vendre à partir d’une page blanche, c’est possible !
Pour comprendre cette règle, partons cette fois-ci de l’exemple :
L’idée de l’entreprise cliente de Dynergie était de créer un support de téléphone pour voiture, combinant sa fonction pratique avec sa fonction technique (point d’accès Wifi, géolocalisation, mesure de données en temps réel). Les bénéfices pressentis avant même le développement d’un produit étaient d’une part le confort et la facilité, d’autre part la sécurité et la sérénité.
La seconde étape a été de développer 3 prototypes différents du produit, afin d’imaginer les formes que celui-ci pourrait prendre. Par la suite, les équipes ont créé deux campagnes publicitaires réseaux sociaux pour le produit, elles-mêmes divisées en plusieurs axes de communication, dotées d’un Call to Action menant vers une landing page de la marque, sur laquelle se trouvait un autre Call to Action incitant à acheter le produit (fictivement, les acheteurs ne procédant à aucun paiement).
Ainsi, après traitement des données, il s’est avéré que le coût par conversion d’un client fluctuait entre 0,4 € et 7 €, l’axe service/confort offrant à la société un coût d’acquisition client 17,5 fois moins important que l’axe entretien/maintenance !
Voici le tableau chiffré des résultats :

Il est donc bien possible de vendre sans aucun produit à proposer ! Encore une fois, la clé est de tester.
Règle 4 : Le meilleur vendeur, c’est le client
L’idée de cette dernière règle est de faire en sorte que les gens se passent le virus de votre concept.
Ici, nous pouvons utiliser l’exemple de Freeletics, une application de sport proposant des exercices, des forums, des entrainements personnalisés, comme tout autre application dédiée au fitness. L’originalité de ce service réside dans l’obligation de poster une photo de ses progrès mensuels : là où, en temps normal, cette photo serait pénible, la rendre obligatoire créé un double effet bénéfique pour la marque. D’un côté, l’utilisateur voit ses progrès, et donc l’efficacité de son entrainement, ce qui le pousse à continuer son entraînement. De l’autre, s’il veut continuer à utiliser l’application, il doit poster sa photo, et donc continuer à s’exercer.
L’innovation est un tout, et la viralité d’une idée en fait partie. Certains l’ont même dans leur ADN, comme GoPro, qui a proposé son produit en organisant un défi : l’utilisateur recevait gratuitement la caméra d’extérieur, et devait en contrepartie réaliser une vidéo qu’il publierait sur les réseaux sociaux, dotée d’un écran GoPro au début et à la fin du film. L’entièreté de l’identité de la marque se base sur la viralité et le partage. On ne parle alors plus de Business Model Canvas, mais de Viral Models Canvas !
Pour conclure, Dynergie et Sébastien n’ont qu’une demande à faire à leurs auditeurs, et à vous, lecteurs : créer de bons business designs, qui créent de la viralité provenant de la valeur perçue, et qui rendent service à tous les autres organismes de votre écosystème ! Si vous suivez les conseils évoqués précédemment, que vous cherchez constamment à tuer votre projet, soit il mourra, auquel cas vous aurez économisé du temps et de l’argent, soit vous trouverez une manière de le faire fonctionner.
Merci à Sébastien pour ce formidable JeDII.
Merci aux participants pour ce beau moment de partage !🚀 #WeAreIRIIG #LearningBySharing
Prochains Jeudis de l’innovation IRIIG sur notre site : https://www.iriig.com/evenements/